Harry Potter 3 EST SORTI

[Harry Peloteur]

A l'invitation de Silvertongue, je poste ici ma plaidoirie (le mot est un peu fort) en faveur du film de Cuaron, d'après moi Azkaban est de loin le meilleur des films déjà tournés. J'ai lu tout le topic, et je suis assez attristé de constater que beaucoup se focalisent (à mon sens) sur des broutilles, ou parce qu'il manque une chaussette verte à rayures sur le deuxième figurant de la table des Hufflepuffs à Hogwarts... Sincèrement, que le lien ne soit pas fait entre James, Pettigrew, Lupin, Black, la carte et les "marauders", ce n'est pas si grave. Oui, ce n'est pas "comme dans le livre", qui a le temps, lui, le temps d'être plus exhaustif, plus complexe, plus cohérent. Je pense que certains portent bien trop rigueur aux difficultés d'adaptation sur leur jugement à propos du film, le nez dedans à relever le moindre écart infinitésimal et dont parfois l'importance est bien négligeable.

Concentrons-nous sur le film à proprement parler, sur sa dimension cinématographique, sur sa mise en scène, ses plans, ses cadres... et comparons avec les très sages et académiques adaptations de Columbus, sans franchement d'inventivité visuelle ni d'audace. Columbus suit de façon pépère le chemin balisé par l'histoire, la taille des bouquins aidant, c'est presque adapté à la lettre. Donc les fans sont contents. Malheureusement les films, eux, ne tiennent que par leur histoire tant la réalisation est tout juste syndicale.

Alfonso Cuaron quant à lui, s'est réapproprié le matériau, il l'a refaçonné, il lui a apporté sa touche... J'ai encodé et uploadé des séquences vidéo sur Dailymotion à titre d'exemple. Il y a dans Azkaban une patte esthétique, comme ces transitions saisonnières avec le Whomping Willow / Saule Cogneur :

Opening, Automne, Hiver (la seule transition sans le Saule Cogneur mais notez la grosse horloge juste devant Harry pour signifier l'écoulement du temps), Printemps, Eté.
Il y a aussi une petite signature visuelle qui ne se retrouve dans aucun autre film, certaines transitions entre scènes se font avec un "fondu au noir" par une image qui disparaît de façon concentrique et qui réapparaît de façon excentrique. Citons aussi cette volonté de mettre les gamins le plus souvent en habits civils, en habits de moldus... ils n'en deviennent que plus proches de nous.

Je pourrais également parler de la séquence avec la Tante Petunia, formidablement mise en images d'une manière très dynamique, avec un découpage vif qui traduit bien la drôlerie de la situation. Regardez l'alternance avec les gros plans sur le coucou, c'est plutôt cocasse. Sans parler de l'alternance des vues en plongée et contre-plongée, donnant l'impression au spectateur qu'il va lui-aussi s'envoler comme la vilaine tante.

Comment ne pas mentionner la scène du vol sur Buckbeak ? Cela aurait pu n'être qu'un banal passage, or il est magnifié, il devient une aventure, un émerveillement (incroyablement boosté par un John Williams en pleine forme certes). D'une bête dangereuse, Buck devient un animal magnifique et attachant. La scène de l'exécution n'en sera que plus poignante. Notez la liberté que s'autorise Cuaron avec Hermione qui sursaute et prend la main de Ron... Or le réalisateur n'avait pourtant pas lu la suite, il a pensé ça de manière instinctive et il touche juste.

Je citerais une scène inquiétante (qui s'ouvre par le petit effet transitionnel que j'ai mentionné plus haut) lorsque le petit groupe croise le bourreau qui aiguise sa hache, car cette scène pourtant très courte, témoigne d'une composition esthétique remarquable. Regardez de travail, c'est absolument bourré de références gothiques : corbeaux, décor en fond qui ressemble à une église en ruines, lianes et racines qui l'envahissent, arbres vieux et déformés, brûme... c'est remarquable.

L'autre scène que je présente ici est un bel exemple du tact de Cuaron. C'est la scène d'execution de Buck. OK, je vous vois tous vous énerver, on ne doit pas le voir mourir, etc. Mais cette scène a un sens, Cuaron exploite la dramaturgie, et parfois l'appuie quand c'est nécessaire. Regardez la caméra qui cadre de façon rapprochée la hache qui se brandit et qui tombe, puis ce cadre qui filme de loin... le supposé tranchage de tête reste hors champ, il est signifié de façon poétique et symbolique par un vol d'oiseaux (encore ces corbeaux). Je ne crois pas avoir vu un tel plan poétique dans une des autres adaptations. C'est beau, c'est simple, c'est touchant, d'une subtilité incroyable.

Mon dernier exemple vidéo montre Harry exécutant son Patronus final. J'aime beaucoup cette scène, très pure. On y voit les dementors voler comme des charognards, ou plus précisément comme... des corbeaux. C'est plus évident sur une autre séquence où on les voit tourner/tournoyer comme des oiseaux cherchant à s'abattre sur leur proie. J'en profite pour signaler le mérite du réalisateur d'avoir fait ces dementors les plus effrayants possibles. Leur ressemblance avec les corbeaux (dans leur aspect charognard et leur déplacement) est très bien vue également, les uns se repaissent des chairs tandis que les autres se nourrissent des âmes... le parallèle est très malin. Mais revenons au Patronus, je parlais de pureté. Très beau contraste entre l'éblouissement et les ténèbres, il y a aussi un plan très inventif qui filme en "suivant" l'onde de choc du Patronus de manière subjective.

Il faudrait que j'en fasse des captures d'écran mais j'ai peur d'être trop lourd () : la photo dans les intérieurs est également très jolie, faite de clairs-obscurs avec des lumières en biais issues de fenêtres, pénétrant difficilement de sombres pièces.

Voilà, j'espère au moins vous avoir donné envie de le revoir ou de réviser votre jugement, à défaut de vous avoir convaincu sur la valeur artistique du troisième film, de loin au-dessus des autres à mon avis.
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Sub - VO/VF - Vivant.

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[Mystra]

[Noon]

En fait, le fait que le film soit beau cinématographiquement, c'est encore pire, pour moi en tout cas.

En effet, on voit qu'il y avait possibilité de faire un grand film, en conjuguant une bonne intrigue à un visuel assez époustouflant. Du coup, les coupes sombres et les incohérences du film (genre Lupin qui laisse Harry affronter le Boggart et qui dit après qu'il savait que Voldemort risquait d'apparaître et de faire paniquer tout le monde...) font encore plus de peine.



Le film 3 a aussi le désavantage d'être le premier des films à ne pas être fidèle aux livres.

C'est vrai que les 2 premiers sont plus plats cinématographiquement, mais ont au moins le mérite de bien retranscrire le monde; ils ont d'ailleurs amené pas mal de monde à lire les bouquins.

Les 2 derniers films sont tout aussi plats cinématographiquement et en plus massacre le livre. Mais je crois qu'après la déception de beaucoup face au 3, ils n'en attendaient pas autant.



En bref, le film 3 n'est pas si mal; mais je crois qu'il a été pour les fans l'occasion de réaliser que la Warner voulait faire du fric, pas de belles adaptations. Comme de tout façon, les gens iront voir le film, même pourri...

Dommage que Cuaron n'ait pas eu la "passion" de l'univers rowlinguien qu'un Peter jackson avait pour Tolkien. Le Seigneur des Anneaux n'est pas exempt d'incohérences ou de changements par rapport à l'histoire. Mais on sent que le réalisateur est avant tout un fan qui cherche à servir la trame de l'histoire, pas à se mettre en avant au travers de ce matériau.
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